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COVID-19 : penser l’après – analyse de Valérie Plagnol
Publié le 07 avril 2020
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La moitié de la population mondiale est désormais en confinement et l’angoisse quant aux conséquences humaines et économiques de la pandémie de Covid-19 est à son comble. Donnons-nous le temps de penser à la sortie de cette crise aux caractéristiques et à l’ampleur exceptionnelles.
La pandémie du COVID-19
En quelques semaines, la pandémie du COVID-19 s’est largement répandue hors de Chine.
Son épicentre s’est déplacé en Europe et menace désormais de gagner les Etats-Unis, où les chiffres d’infection montent en flèche. L’Inde a ordonné le confinement strict de toute sa population, menaçant la survie économique de millions de ses citoyens. Les autorités russes viennent de fermer la capitale et les grandes villes du pays. Le continent africain – à l’exception de l’Afrique du Sud – jusque-là relativement épargné, craint l’arrivée du virus.
Les réponses sanitaires des Etats ont été diverses, reflétant tout autant les sensibilités culturelles et sociales que le degré de préparation et d’organisation de chacun.
- Ainsi, a-t-on vu peu à peu l’ensemble des pays ordonner le confinement de la population, afin de limiter l’engorgement des hôpitaux.
- Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, les Etats-Unis, étaient partisans dans un premier temps d’un « laissez-faire » consistant à tabler sur l’immunisation « naturelle » d’une population qui serait largement contaminée. Ils ont fini par se rallier au confinement face à la menace d’une mortalité incontrôlable et inacceptable dans nos sociétés modernes.
- L’avancée de la pandémie dans les zones aux systèmes de santé les plus fragiles est des plus préoccupantes et mobilise les organisations internationales et les ONG.
Les impacts économiques
Des impacts économiques aux réactions des marchés financiers
À mesure que le confinement gagne et dure, la récession économique s’annonce brutale et massive.
Sans surprise, les indicateurs économiques signalent un effondrement de l’activité depuis le mois de février. Après le secteur manufacturier, déjà en repli, les services sont très durement impactés.
Le scénario de rebond rapide (scénario dit en « V » lié à un choc temporaire et circonscrit à la Chine) un temps envisagé, s’éloigne à grands pas.
- Même si la Chine amorce un retour à la normale, les carnets de commande se vident du fait de l’arrêt de l’activité dans les autres régions du monde et de la baisse de leur consommation domestique.
- Ainsi, les chaînes de production sont-elles plus durablement interrompues qu’escompté, du fait du repli de la demande mondiale et des fermetures de frontières. Après le transport aérien et le tourisme, le commerce et l’évènementiel, l’automobile et les produits tech sont particulièrement touchés.
- Dans tous les secteurs, l’urgence est à la survie immédiate. Confrontées à la baisse massive de leur chiffre d’affaires, les entreprises voient leurs besoins en trésorerie exploser. Les plans d’investissement sont au mieux, repoussés, au pire, abandonnés. L’arrêt des exploitations envoie des millions de personnes au chômage, affectant les revenus des ménages, et ceux des travailleurs indépendants. Choc simultané d’offre et de demande, la crise s’étend aux marchés financiers. Depuis le début de l’année, les bourses ont perdu entre 25 % et 35 %. Les ventes en panique ont touché toute la cote, sans plus de rapport avec la valeur sous-jacente des entreprises considérées. Ainsi « l’indice de la peur » VIX a dépassé les sommets atteints lors de la crise des subprimes.
Face à ce choc exogène, d’une ampleur exceptionnelle, la réponse des états l’est tout autant
Selon les estimations de l’OCDE, l’ensemble des mesures annoncées par ses pays membres, pourrait atteindre 10% des PIB (en incluant les garanties de prêts).
Les principaux axes d’intervention des gouvernements sont :
- le financement d’urgence des besoins sanitaires et les prises en charge élargies pour les malades ;
- les allègements de charge, prolongements de prêts bancaires (sous forme de garanties), et autres mesures de soutien aux entreprises, par le biais de mesures d’assouplissement des règles du travail, par exemple en France ;
- l’indemnisation du chômage total ou partiel (France, Allemagne), des mesures d’aide directe aux ménages (Etats-Unis) et aux professions indépendantes visant à limiter les pertes de revenu et de pouvoir d’achat ;
- la Commission européenne, en activant la clause dérogatoire au Pacte de Stabilité et de Croissance, vient de lever les freins à l’extension des déficits des pays membres.
De leur côté, les banques centrales ont très largement puisé dans leur arsenal monétaire et financier.Leurs interventions se déploient sur trois fronts.
- Tout d’abord une extension massive des achats de dettes publiques et privées, tant en volume (750 milliards d’euros annoncés par la BCE, montants « illimités » pour la Réserve Fédérale) qu’en qualité (dettes à court et long terme, achats d’emprunts privés et hypothécaires, reprise des achats de dette grecque ou extension des achats de dette italienne).
- Elles ont également organisé des accords d’échanges entre elles et la Réserve Fédérale des Etats-Unis, pour faire face à la demande de dollars. Enfin, elles ont décidé de suspendre ou d’alléger certaines mesures réglementaires et prudentielles, dans le but de permettre aux banques de surseoir aux prêts qu’elles accordent.
Penser l’après : sortir du confinement
Sortir du confinement, vers un scénario de reprise en « U »
Ces actions combinées des puissances publiques et des autorités monétaires devraient permettre d’amortir le choc provoqué par la mise à l’arrêt d’une bonne partie de l’activité économique dans le monde. C’est dans ce contexte que s’élabore un scénario d’un retour à la normale progressif à partir de l’été.Cette reprise dite en « U » table sur la levée pas si lointaine du confinement et le retour progressif à la normale, alors que les dégâts sur l’activité auront été contenus.
- A la suite des exemples sud-coréens et taiwanais notamment, les procédures de suivi de la pandémie devraient s’orienter vers la généralisation des tests de dépistage afin de détecter les personnes encore infectées pour leur permettre de s’isoler ou de les prendre en charge, tout en rassurant ceux qui doivent et peuvent reprendre le travail.
- Dans tous les cas, l’information transparente du public, la mise à disposition massive des outils de suivi, sont les clés de l’adhésion de la société à ces mesures de prévention.
- Dès à présent, les autorités, les entreprises et les citoyens doivent commencer à organiser l’après confinement.
Sortir du confinement économique aussi
Sur le plan économique et financier, les questions de l’après-crise concernent d’une part les modalités et l’ampleur de la reprise,d’autre part la trajectoire à moyen terme de la croissance sous de nouveaux paradigmes.
A court terme, nous privilégions un scénario de rebond progressif – du fait du décalage conjoncturel entre les régions du monde – mais suffisamment marqué grâce au regain de production et aux envies de consommation.
L’effet de soulagement sur les ménages sera bien entendu contrebalancé par les pertes de revenus subies et leur confiance dans la capacité à se déplacer et se réunir sans risque. Il semble d’ores et déjà acquis que cette phase de rebond s’accompagnera de la poursuite de l’aide publique aux secteurs les plus affectés. Sortir du confinement impliquera également de revenir sur les mesures exceptionnelles qui auront été mises en œuvre pour soutenir l’économie, son maintien sous « respirateur artificiel » ne pouvant être durable. La baisse des taux d’intérêt, l’augmentation des dettes publiques, entravent la capacité d’investissement vers les nouvelles activités tout en maintenant des secteurs « zombies » en survie.
Nous abordons probablement une nouvelle phase d’investissements productifs, qui nécessitera des adaptations de nos appareils de production, mais aussi certainement de la société de consommation. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions.