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Rattrapée à l’inflation, la FED s’apprête à changer le cap de sa politique monétaire
Publié le 21 janvier 2022
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Entre le milieu du mois de septembre et la mi-janvier, le rendement des T-Notes américains à deux ans est passé de 0,2 % à plus de 1 %, soit une remontée de plus de 80 points de base en quatre mois qui ne trouve pas d’équivalent depuis l’été 2008. Dans un premier temps graduel, ce mouvement s’est accéléré après la publication le 5 janvier des ‘minutes’ du dernier FOMC, perçues comme le coup d’envoi à une orientation plus restrictive de la politique monétaire américaine.
Rendement des T-Notes à deux ans américains

Changement de diagnostic sur l’inflation
La FED qui, jusqu’alors, voyait dans l’accélération de l’inflation un phénomène transitoire lié aux conditions exceptionnelles de 2020, est, en effet, apparue nettement plus préoccupée par ses derniers développements dans ce dernier compte-rendu.
- Il faut dire qu’au dernier trimestre de l’année dernière, les hausses de prix ont largement dépassé les attentes et les conséquences escomptées de la hausse des prix de l’énergie.
- Les prix des biens industriels dont les évolutions avaient été négatives pendant presque vingt ans, ressortaient en hausse de plus de 10 % l’an, sous les effets combinés du rattrapage de la demande et des pénuries de pièces détachées, composants électroniques notamment, sur l’offre.
- Les services, généralement considérés comme moins exposés aux sources externes d’inflation, décrivaient également des signes de plus en plus évidents de tensions inhabituelles, dépassant largement les effets supposés de la réouverture de l’économie.
Inflation des prix des biens industriels hors énergie et alimentation aux États-Unis

La flambée de l’indicateur d’inflation privilégié par la FED, le PCE, semble, finalement, avoir emporté le verdict. En novembre, dernier mois pour lequel ces données sont disponibles, cet indicateur pointait vers une inflation annuelle de 5,7 %.
Avec de tels niveaux en fin d’année, il devenait évident que les prévisions de la FED ne seraient pas seulement prises à défaut en 2021 mais que l’inflation 2022 serait également très supérieure à son objectif de moyen terme, de 2 %.
Du seul ajustement au resserrement des conditions monétaires
Outre l’accélération de la hausse des prix, les tensions croissantes sur le marché de l’emploi, en provenance duquel de plus en plus d’entreprises témoignaient de difficultés de recrutement, ont probablement encouragé la FED à changer de cap.
- Le risque d’enclenchement d’une spirale à la hausse des prix et des salaires nécessitait une réponse plus ferme que celle envisagée lors des précédents comités de politique monétaire :
- non seulement la FED se préparait à accélérer le tempo de ses hausses de taux directeurs, trois remontées d’un quart de point chacune en 2022 dont la première pourrait intervenir dès le mois de mars,
- mais elle programmait également une réduction imminente de son bilan dès la première hausse des Fed Funds.
- Si la première annonce n’a pas véritablement surpris, la seconde était nettement plus inattendue.
Plutôt qu’un seul ‘tapering’ dont elle s’était contentée jusqu’alors, la communication de la FED prenait un tour nettement plus restrictif.
Dans l’attente du prochain FOMC
Or, depuis cette communication, les informations n’ont guère apaisé les inquiétudes.
- En décembre, l’inflation mesurée par le CPI s’est établie à 7 %, plus haute encore qu’en novembre, et le taux de chômage, qui conserve une place de choix en matière d’indicateur de risque d’inflation salariale, s’est replié davantage, à 3,9 %, son niveau de décembre 2019.
- Face à de telles données, sur fond, qui plus est, de regain de tensions sur le marché pétrolier, de nombreuses voix se sont élevées en faveur d’un nécessaire durcissement plus important que prévu des conditions monétaires, de quatre hausses des taux directeurs cette année, plutôt que trois.
- Une requête que les marchés n’ont eu aucune difficulté à prendre pour argent comptant dans le contexte en présence…
La FED confirmera-t-elle cette approche ? La réponse viendra sans doute, en partie, de la communication qui suivra le FOMC de la semaine prochaine.
Probabilités implicites de hausses des Fed Funds d’ici décembre 2022


À propos de Véronique Riches-Flores, auteur de cet article
Économiste, diplômée de l’Université de Paris I, V. Riches-Flores dirige la société de recherche indépendante RICHESFLORES RESEARCH depuis 2012, après une expérience professionnelle dans le milieu académique -Observatoire Français des Conjonctures Économiques-, et dans la Banque d’Investissement, (Société Générale Corporate & Investment Banking). Spécialiste de l’économie mondiale et des marchés de capitaux, elle réalise des diagnostics et prévisions s’appuyant sur une double approche à la fois conjoncturelle et structurelle.