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« (…) Pour que rien ne change »…

Publié le 11 mai 2020

Auteur

Valérie Plagnol

Économiste, ancienne membre du Haut Conseil des Finances Publiques

A l’heure du déconfinement, même partiel, le pays se remet progressivement en mouvement. Les risques persistants liés à la pandémie laisseront des traces durables sur l’économie française et internationale.

La crise que nous traversons nous fournit certainement une belle leçon d’humanité, de solidarité et d’adaptabilité. Le premier jour du déconfinement ne marquera ni la fin de la pandémie, ni l’oubli des risques qu’elle comporte. Sur le plan économique, l’ampleur du rebond validera, en partie du moins, la pertinence des efforts publics engagés pour atténuer l’ampleur du choc économique subi.

Face à cet avenir incertain, que faire de notre épargne ?

Mais l’horizon reste encore brouillé, car la récession est mondiale, et la reprise attendue encore marquée de nombreuses incertitudes. L’évolution récente des marchés boursiers nous renseigne-t-elle sur les gagnants et les perdants de cette crise ? Une part de cette réponse dépend directement de la confiance et de l’attitude future des ménages. Car cette période est aussi celle d’une forte accumulation d’épargne. Qu’en ferons-nous ?

Comment envisager le monde d’après ?

Le « monde d’après », tel qu’il s’esquisse, ne sera pas tout à fait celui que nous venons de quitter brutalement. Il ne sera pas tout à fait différent pour autant.

La date du 11 mai de fin de confinement pour la France coïncide à quelques jours près à celle retenue par d’autres pays, notamment nos voisins européens. Un peu partout, les modalités de cette sortie restent soumises à des contingences importantes qui tiennent principalement à la capacité de maîtriser la propagation du virus, tout en s’assurant une immunité collective croissante.

Ceux des pays qui ont pris de l’avance – réouverture des commerces de proximité en Allemagne et en Autriche, retour à l’école au Danemark et en Finlande, ou tout simplement maintien des mesures barrières en Corée du Sud ou en Suède – tracent pour nous la route, et pourraient même nous permettre d’éviter quelques écueils.

Dans l’immédiat, la levée progressive du confinement ne concernera pas tous les secteurs d’activité.

A plus long terme, beaucoup tentent de tirer des leçons pour l’avenir.

Il est aisé de voir dans la crise actuelle la confirmation des convictions que l’on portait auparavant. Cela semble d’autant plus compréhensible que la crise ne fait que mettre en lumière les failles et les forces des sociétés touchées.

Ainsi, les questions concernant l’accès à la santé, le changement climatique ou encore la réduction des inégalités devraient occuper le devant de la scène politique et économique, avec probablement encore les mêmes divergences de points de vue qu’auparavant.

Economie, quel rattrapage ?

Le bilan humain et les dégâts économiques sont considérables. Il plane encore sur les statistiques de décès d’importantes inconnues quant aux méthodes de recensement et de calcul. Un bilan fiable ne pourra être établi que bien plus tard.

Pour mieux saisir la mesure de l’impact de l’arrêt de l’activité économique, citons quelques exemples.

Mises à l’arrêt par le confinement quasi général, les économies ont vu leurs activités amputées de 30 % à 40 %

La saturation des capacités de production a même poussé le contrat de livraison du brut américain à – 40 $/baril fin mai ; c’est-à-dire que les acheteurs, plutôt que d’être livrés, étaient prêts à payer pour se débarrasser de leurs stocks dont ils ne savaient que faire, faute de capacité d’entreposage.

EVOLUTION DU PIB

Ce que l’on peut apprendre de la chine

En avril, les indices avancés de confiance des entreprises dans l’industrie et les services marquent une divergence notable entre la Chine, où la reprise se fait sentir, et les autres grandes économies du monde.

INDICES COMPOSITES DE CONFIANCE DES DIRECTEURS D’ACHAT

La Chine subit désormais le choc en retour de la contraction mondiale de l’activité.

Toutefois, la remise en route de l’industrie et la réouverture des activités de service nous indiquent néanmoins que la reprise peut s’amorcer assez vite dès lors que le confinement strict sera levé.

Evaluer l’ampleur du rebond attendu

La question est donc de tenter d’évaluer l’ampleur du rebond attendu.

En France, le scénario économique attaché au deuxième budget rectificatif, présenté devant le Parlement mi-avril, table sur un « retour à la normale » pour la fin de l’année.

Ces mesures, peu ou prou adoptées par la plupart de nos voisins, ont pour objectif de limiter la « casse », et permettre de rétablir la confiance des acteurs économiques et de préserver leurs capacités à reprendre leurs activités.

On a vu que des relais supplémentaires étaient mis en œuvre au niveau européen (plan de 540 milliards d’euros d’aides publiques et de prêts), et qu’un plan budgétaire encore plus ambitieux est en préparation.

Aussi importantes soient-elles, ces mesures ne résoudront pas tout, ni ne seront sans conséquences. Pour certains secteurs, la note est salée et les effets négatifs durables. C’est une évidence pour la restauration, l’hôtellerie et le tourisme. Le transport aérien sera longtemps impacté, tandis que les perspectives de réouverture des frontières sont reportées et aléatoires. L’effondrement des ventes de voitures, le coup d’arrêt dans l’immobilier – commercial et particulier – laissent ces acteurs fragilisés et dans l’expectative. Notons que le tourisme est un important pourvoyeur d’emplois, notamment peu qualifiés.

Quel financement des politiques publiques ?

Alors que pour nombre de pays – dont la France – le niveau d’endettement public était déjà très élevé, les dépenses engagées vont propulser les ratios d’endettement largement au-delà des 100 % du PIB.

Face à ce défi, les Banques Centrales américaine, européenne, anglaise et japonaise – pour ne citer que les principales – ont intensifié et élargi leur champ d’intervention.

La question de leur résorption, qui faisait déjà débat avant la crise, n’en sera que plus vive après. En attendant, les marchés ne peuvent que constater la baisse supplémentaire des rendements et le maintien au plancher, et pour probablement longtemps encore, des taux directeurs.
Quelles leçons peut-on en tirer ?

Marchés boursiers, que nous disent-ils des gagnants et des perdants de la crise ?

Face à ces interrogations, peut-on alors se fier aux signaux que nous envoient les marchés boursiers ? Depuis le début de cette crise, il est difficile de ne pas s’interroger sur leur comportement, à rebours semble-t-il des tendances économiques.
Ainsi, nous avons vu leur totale indifférence aux premiers signes de la pandémie, puis la panique déclenchée par son extension, et de nouveau une remontée des cours alors même que les premières statistiques confirmaient l’ampleur de la déroute.

ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX INDICES BOURSIERS DEPUIS LE 1ER JANVIER 2020, EN BASE 100

La correction des marchés boursiers mérite qu’on s’y arrête. Il est certain qu’elle offre des opportunités d’achats, pour des titres désormais sous valorisés, ou d’autres aux perspectives nettement améliorées du fait des circonstances. Dans tous les cas, de tels arbitrages ne peuvent trouver leur pertinence que dans une perspective de long terme.

BESOINS

Tout savoir pour constituer une épargne adaptée.

Est-ce le meilleur moyen de faire fructifier votre épargne dans la durée ? À quel âge faut-il s’y prendre ? À quoi cette épargne doit-elle servir ?

En savoir plus

Cette crise changera-t-elle les comportements de consommation et d’épargne des ménages ?

Comme nous l’avons vu précédemment, l’ampleur de la reprise reposera sur la capacité et la volonté des ménages et des entreprises à consommer et à investir. Maintenir la confiance est un enjeu majeur pour préserver la consommation et l’investissement.

Alors que la fermeture des commerces et le confinement limitent les opportunités d’achats, l’épargne a fortement gonflé ces dernières semaines.

Une accumulation d’épargne de précaution

Cette accumulation d’épargne de précaution s’inscrit dans la continuité d’un comportement d’épargne guidé semble-t-il par la crainte de l’avenir et l’absence d’inflation.

Cette perception est-elle pertinente ? Revenons rapidement sur ces 30 dernières années.

FRANCE : TAUX COURT ET LONG TERME REELS

A l’heure du déconfinement, comment éclairer nos décisions d’investissement ?

La mise en perspective de ces données devrait nous permettre d’éclairer nos décisions d’investissement.

Il semble acquis que la volatilité des marchés boursiers restera importante au regard de l’évolution de la conjoncture économique et des mouvements d’allocation sectoriels.

Les semaines que nous vivons nous rappellent combien nous devons composer avec un monde incertain. Ces temps sont également propices à reconsidérer nos objectifs d’épargne non pas au gré des fluctuations de court terme des marchés, mais au regard de nos objectifs personnels de plus long terme. C’est bien pour cela qu’il faut que « tout change pour que rien ne change ».

Vous préférez écouter nos experts ou souhaitez aller plus loin ?

Notre chaîne de podcasts décortique pour vous les grands principes macroéconomiques qui influent sur vos finances personnelles.

Épisode n°1 : bas rendement ou haut risque ? une 3e voie existe

Cela semble être le dilemme classique de l’épargnant : faire un choix entre la sécurité et le rendement de ses placements. En effet, et a fortiori dans un contexte macroéconomique incertain, l’épargnant doit naviguer de plus en plus finement sur les marchés actions et obligations et il semble de plus en plus complexe de chercher du rendement.
Finalement, une planche de salut existerait-elle ?
C’est le débat proposé par Valérie Plagnol – Économiste, membre du Haut Conseil des Finances Publiques – et Thibault Guénée – Directeur Produits et Innovation du Conservateur – dans le 1er podcast de notre série.

Épisode n°2 : inflation faible et taux d’emprunt négatif : de quoi se plaint-on ?

La presse a beaucoup titré ces derniers mois 2019 sur les taux d’emprunt qui avaient atteint des niveaux négatifs. Combinés à une inflation très faible, ils semblent -sur le papier- être une aubaine, en permettant d’alléger le poids de la dette des Etats… et le niveau des crédits immobiliers !
Quel est le revers de la médaille ?
Décryptage de Valérie Plagnol – Économiste, membre du Haut Conseil des Finances Publiques – et Thibault Guénée – Directeur Produits et Innovation du Conservateur – dans le 2e podcast de notre série.