Actualités Le Conservateur
Les marchés ont-ils tous la fièvre ?
Publié le 11 septembre 2020
Partager
Après la phase de rattrapage, la poursuite du rebond de l’activité reste fragile et disparate. Globalement, le ralentissement du commerce mondial se fait encore sentir :
Pour lire la première partie de cet article, consultez : Cartographie de la rentrée : la crainte de l’essoufflement
- la persistance de la pandémie dans de nombreuses régions, les fermetures de frontières et plus généralement la crainte de se déplacer freinent considérablement les déplacements, que ce soit pour le commerce, le tourisme ou les affaires ;
- sur le plan domestique, on peut s’attendre à une rentrée difficile, marquée par l’augmentation de faillites d’entreprises et la hausse consécutive du chômage, amplifiée par l’arrivée des nouveaux entrants sur le marché du travail ;
- la plupart des pays européens ont adopté et prolongent leurs programmes d’aide à l’emploi partiel notamment. Mais ceux-ci vont progressivement se réduire. La clôture des comptes de fin d’année sera un cap difficile.
Cependant, une fois passé le choc du début de la crise, les marchés boursiers semblent peu concernés et n’ont cessé de grimper.
Rapportée au début de 2019, la baisse de mars apparaît même comme un simple accident de parcours dans leur irrésistible progression.
Si l’on prend comme point de référence le début de l’année (graphique ci-après), le tableau est un peu plus contrasté.
- Seuls les indices chinois et américains ont dépassé leur niveau de janvier.
- Ce n’est pas le cas des indices européens (notamment le CAC40), et japonais.
- Mais dans l’ensemble, le rebond n’en demeure pas moins remarquable.

Aussi, ne peut-on s’empêcher de se demander si ces hausses ne sont pas exagérées au regard de perspectives réelles de croissance.
La sagesse des marchés voulait que lorsque votre chauffeur de taxi commençait à vous parler de la bourse, c’était le signe indéniable qu’une bulle spéculative était en train de se former. L’investisseur avisé devait alors penser à se retirer.
Aujourd’hui, c’est du côté des nouvelles technologies et des réseaux sociaux qu’il faut rechercher les signes de cette fièvre. Aux Etats-Unis notamment, une génération de « boursicoteurs » suit toute une cohorte « d’influenceurs ». Souvent aussi peu instruits que leurs « followers », ces derniers attirent un public grandissant.
De même, les plateformes en ligne proposent leurs applications sur smartphone pour réaliser des transactions – à partir de quelques dollars seulement – au jour le jour et à coût très réduit, en concurrence directe avec les courtiers établis.
En France, durant le confinement, l’AMF a noté une nette augmentation des achats de particuliers en bourse, et recensé 150 000 nouveaux venus sur le marché.
Cet engouement, qui touche une nouvelle génération d’investisseurs, recèle probablement quelques excès et quelques illusions.
En général, les marchés suivent de très près le rebond des indicateurs de confiance.
- Dans le cas présent, après le choc de mars, le caractère exogène de la crise etles mesures publiques prises pour l’endiguer avaient de quoi rassurer. De plus, la crise elle-même a offert d’importantes opportunités sectorielles.
- Par ailleurs, depuis mars, les taux d’intérêt à long terme ont de nouveau reculé. Le mouvement le plus notable vient des Etats-Unis où le taux d’intérêt à 10 ans des bons du Trésor est passé sous les 1 %. Du jamais vu ! Dès le début de la crise, les principales banques centrales du monde ont repris et élargi leurs programmes d’achats de dettes publiques, mais aussi de dettes privées allant dans certains cas jusqu’à acquérir des actions.
- L’afflux massif de liquidités et le souci d’assurer la solvabilité des entreprises ont largement contribué à soutenir la tendance boursière.
Les surperformances des marchés américains et chinois relèvent par ailleurs de facteurs spécifiques :
- Du côté américain, les GAFAM et autres tech – la société Salesforce vient de faire son entrée dans le Dow Jones, détrônant le géant du pétrole (issu de l’empire Rockefeller) Exxon – sont les grandes gagnantes de la crise et tirent la tendance par leur poids croissant dans les indices.
- L’économie chinoise, sortie le plus tôt de la pandémie – a surpris par sa résilience. La profondeur accrue de son marché intérieur, comme une moindre dépendance aux exportations, semblent avoir fondé sa résistance. En Europe comme au Japon, le poids de la « vieille » économie et la moindre puissance des tech tendent à limiter la performance des indices, qui souffrent également des craintes qui pèsent sur les secteurs bancaires. Ceci leur confère un potentiel d’amélioration non négligeable, dans la perspective de la mise en œuvre des plans de soutien et d’investissement.
Est-ce le moment de parier sur l’euro ?
Le resserrement de l’écart des rendements entre Etats-Unis et Europe, la promesse du maintien des taux directeurs de la Réserve Fédérale au plus bas pour très longtemps, même si l’inflation devait ponctuellement revenir à 2 %, les incertitudes (voire inquiétudes) des marchés avant la présidentielle de novembre (nous y reviendrons dans notre prochain édito), contribuent également à faire reculer le dollar depuis quelques mois.
L’euro a ainsi gagné près de 10 centimes contre lui, frôlant le seuil des 1,20 USD.
Cette tendance pourrait se poursuivre alors que les Etats-Unis sont entrés dans une période électorale qui s’annonce agitée et compliquée par les modalités-mêmes de tenue du scrutin dans le contexte de la pandémie.
Une poursuite de la hausse de l’euro pourrait à nouveau rebattre les cartes au sein de la cote, au gré de la sensibilité des sociétés à l’évolution de la devise.
Les atouts bien réels de la rentrée
Résurgences des infections, tassement des indices, baisse de l’inflation, tensions internationales…. La rentrée européenne s’annonce donc difficile. Pourtant les raisons de rester positif ne manquent pas.
- Alors que les Etats-Unis sont entrés dans une zone de turbulences politiques qui pourraient durer au-delà de novembre – si le résultat de l’élection était contesté –, l’Union Européenne affiche une plus grande stabilité et une certaine unité. Face au Royaume Uni, les 27 maintiennent un front commun derrière le négociateur en chef.
- Face à la Chine et à la Russie, l’Allemagne est récemment sortie de sa réserve politique et économique, prenant plus clairement le parti de la cohésion européenne. Sur le plan économique, la proposition franco-allemande de financements européens, relayée et présentée par la Commission, a été adoptée cet été.
- Les fonds promis – 500 milliards d’euro en tout, dont 40 milliards d’euros pour la France, combinés aux plans de relances nationaux, représentent une manne économique considérable à l’échelle même du continent.
Les grandes lignes des programmes se centrent sur la reconquête industrielle, l’investissement dans les nouvelles technologies et le développement de ses propres outils et standards face à ceux des grandes puissances.
La prise en compte et l’encouragement à investir dans ces secteurs et à privilégier les placements responsables pourraient offrir les meilleures opportunités d’investissement.