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2022 sauvée des eaux

Publié le 02 février 2023

Auteur

Véronique Riches-Florès

Économiste

Rares ont été les périodes de l’histoire contemporaine au cours desquelles l’exercice prévisionnel est apparu aussi incertain, où les boîtes noires qui jalonnent les perspectives ont été aussi nombreuses et où la balance des risques, pourtant, clairement orientée à la baisse, semble instable.

2022 a déjà apporté son lot de surprises et d’imprévus : invasion de l’Ukraine par la Russie, crise de l’énergie et flambée des prix, suivies d’une envolée de l’inflation comme l’Occident n’en avait pas connu depuis plus de quarante ans. Ce qui paraissait invraisemblable, il n’y a pas plus d’un an, s’est imposé : les banques centrales ont opéré une volte-face et un durcissement de leurs conditions monétaires comme rarement par le passé. Mais peut-être le plus surprenant est-il que la croissance économique ait, malgré tout, résisté à cet environnement adverse. Le PIB de la zone euro devrait s’être accru de 3,5 % en moyenne l’an dernier, autant que prévu en décembre 2021 avant l’éclatement de la guerre en Ukraine, l’envolée de l’inflation et des taux d’intérêt !

PIB de la zone euro, à prix constants

Les promesses de récession, sans cesse démenties par les résultats, ont fini par s’éclipser au fur et à mesure de l’empilement des dispositifs de protection mis en place par les gouvernements. L’Allemagne, la plus impactée par les conséquences de la guerre, a opéré un changement de cap budgétaire radical, encourageant les autres pays de la région à suivre la voie. En 2022, le déficit public des trois principales économies de la zone euro – Allemagne, France et Italie réunies- s’est établi peu ou prou au même niveau qu’en 2020, année d’exception marquée par la première vague de Covid-19.

Solde budgétaire agrégé de l’Allemagne, la France et l’Italie

La réponse des États aux risques en présence a sauvé la croissance. La chute des salaires réels consécutive à la flambée des prix, qui faisait redouter un choc de consommation, a en bonne partie été absorbée par l’action publique, permettant à la reprise des activités de services de s’effectuer peu ou prou comme attendu après la levée des contraintes sanitaires et aux entreprises de conserver leur pricing power.

L’inflation s’est ramifiée, pénétrant l’immense majorité des secteurs d’activité, mais la croissance économique et celle de l’emploi ont été préservées.

De manière assez largement inattendue, la croissance de la zone euro a finalement mieux résisté que celle des Etats-Unis où elle n’a probablement pas excédé 2 % l’an dernier, au lieu des 3,5 % initialement escomptés. En l’absence de dispositif public aussi protecteur qu’en Europe, le choc énergétique et un durcissement des conditions monétaires plus important ont eu des effets plus profonds sur l’activité. Pour autant, la croissance s’est ressaisie à partir de l’été, avec le début du repli des prix du pétrole, récupérant en deuxième moitié d’année ce qu’elle avait perdu les six premiers mois.
Le pire évité, malgré les chocs exceptionnels de l’année dernière, encourage à voir l’avenir sous un jour plus optimiste. L’inflation, c’est presque acquis, refluera cette année, ne serait-ce que par les effets de base énergétiques très favorables : les prix du pétrole et du gaz ont, en effet, à peu près retrouvé leurs niveaux d’avant l’éclatement de la guerre ces dernières semaines.

Prix du gaz et du pétrole en euros

Par ailleurs, l’Europe a comblé son déficit d’approvisionnement énergétique en provenance de la Russie et les menaces de pénuries, aux conséquences délétères sur la confiance des agents, ont singulièrement reflué.

Prévisions d’inflation pour la zone euro et les Etats-Unis

Ménages et entreprises devraient, dès lors, profiter d’un environnement moins oppressant tandis que, de leur côté, les banques centrales auront moins de raisons de poursuivre la hausse de leurs taux d’intérêt. Alors que la Chine se libère, enfin, du joug des restrictions sanitaires extrêmes qui ont marqué une bonne partie de l’année 2022, tout, ou presque semble, annoncer des jours meilleurs.


Véronique Riches-Flores - économiste

À propos de Véronique Riches-Florès, auteur de cet article

Économiste, diplômée de l’Université de Paris I, V. Riches-Flores dirige la société de recherche indépendante RICHESFLORES RESEARCH depuis 2012, après une expérience professionnelle dans le milieu académique – Observatoire français des conjonctures économiques , et dans la banque d’Investissement, (Société Générale Corporate & Investment Banking). Spécialiste de l’économie mondiale et des marchés de capitaux, elle réalise des diagnostics et prévisions s’appuyant sur une double approche à la fois conjoncturelle et structurelle.

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