Shutdown, économie américaine, marchés financiers

Shutdown terminé et maintenant ?

Publié le 18 novembre 2025

Auteur

Véronique Riches-Florès

Économiste

Du 1er octobre au 13 novembre : la paralysie aura duré 43 jours, la plus longue des épisodes de ce type depuis le précédent de 35 jours, du 22 décembre 2018 au 25 janvier 2019. Qu’à cela ne tienne, malgré quelques accès de faiblesse en fin de période, sans lien d’ailleurs avec la situation budgétaire, les deux indices phares de la bourse de New-York ont clôturé le shutdown avec un gain de 1 % par rapport à leurs niveaux du 30 septembre, profitant de l’épisode pour marquer de nouveaux records absolus au cours de la quatrième semaine du blocage fédéral.

Sources : RichesFlores Research, Macrobond

Les taux d’intérêt, ne semblent pas avoir fait plus de cas de la crise, avec très peu de mouvements, qu’il s’agisse des échéances les plus courtes aux plus longues, quand bien même, la communication de la Fed a refroidi les espoirs d’une nouvelle baisse des Fed Funds en décembre et, qu’un peu plus tard des crispations sur le front des liquidités monétaires ont valu quelques inquiétudes, le plus souvent passées inaperçues du grand public.

Enfin, le dollar, que beaucoup envisageaient devoir marquer le coup, a une nouvelle fois pris de court nombre de prévisionnistes, avec une appréciation de plus de 2,5 % de l’indice synthétique ICE entre le 30 septembre et le 4 novembre, à son plus haut niveau depuis le mois de mai, avant de reperdre quelques plumes dans les jours qui suivirent.

Sources : RichesFlores Research, Macrobond

Difficile, au total, de tirer des conclusions alarmantes de cette période, au cours de laquelle la vie politique a d’ailleurs poursuivi son cours, D. Trump continuant de son côté sa tournée des États avec lesquels il s’entretient pour gérer les affaires en cours et les différends commerciaux.

Il est vrai que du côté économique, les quelques publications de la période n’ont pas particulièrement préoccupé. Le rapport sur l’emploi privé de l’ADP a plutôt rassuré, avec des données d’octobre meilleures que celles des trois mois précédents. Les indicateurs du climat des affaires, tels que les PMI ou autres ISM, ont également bien tenu, au-delà de quelques tensions malvenues sur le front des prix, généralement interprétées comme le signe d’une bonne tenue de la demande. Enfin et, peut-être surtout, la saison des résultats des entreprises a apporté son lot de satisfaction, avec des publications souvent meilleures qu’attendu qui ont abouti à une hausse sensible des perspectives à 12 mois du consensus des analystes, en progression de 1,4 % relativement aux attentes du mois de septembre et de 14,6 % par rapport à celles du mois d’octobre 2024, leur plus forte augmentation annuelle depuis l’été 2022.

Sources : RichesFlores Research, Macrobond

Moins visibles du grand public et des investisseurs, les PME américaines ne sont pas logées à la même enseigne et ont vraisemblablement traversé la période de shutdown dans des conditions nettement plus difficiles.

Le rapport sur l’emploi du secteur privé de l’ADP du mois d’octobre met particulièrement bien en lumière ces distorsions. Ses bons résultats d’ensemble sont venus d’une contribution exceptionnelle des établissements de plus de 500 salariés qui ont créé 75 000 nouveaux postes, un rythme particulièrement soutenu qui, bien que non inédit, fait plutôt partie des exceptions. Les entreprises de taille inférieure ont, elles, détruit 32 000 postes, après déjà 60 000 en septembre et 49 000 en août.

Sources : RichesFlores Research, Macrobond

Avec plus de 80 % des salariés du privé, leurs difficultés jouent un rôle majeur sur les perspectives économiques et le sentiment des consommateurs Américains. En l’occurrence, les pertes d’emploi dans les PME n’ont, par le passé, jamais été observées en dehors des périodes de récession. On comprend mieux, dès lors, l’extrême détérioration des indicateurs de confiance des ménages, par ailleurs, impactée par un contexte inflationniste toujours éminemment négatif, notamment en ce qui concerne les prix de l’alimentation et de l’électricité.

Sources : RichesFlores Research, Macrobond

L’économie américaine reste donc particulièrement fragile. Parviendra-t-elle à retrouver le chemin d’une croissance plus équilibrée, après cet épisode du shutdown ? La réponse semble dépendre de trois conditions.

  1. Le succès de la réforme fiscale à venir que le shutdown pourrait avoir fragilisé.
  2. La capacité de l’économie à gérer une économie à deux vitesses, celle des secteurs traditionnels et la nouvelle économie de l’IA qui concentrent toutes les attentes.
  3. Celle de pouvoir éviter un renchérissement prohibitif des taux d’intérêt.

La partie n’est pas forcément gagnée.

La visibilité ne sera pas rétablie avant l’aboutissement de ces discussions.

Sources : RichesFlores Research, Macrobond
Sources : RichesFlores Research, Macrobond

C’est en partie ce type de dérive que la Fed doit aussi prévenir et les raisons qui pourraient la pousser à se montrer de plus en plus réservée sur l’opportunité d’abaisser davantage ses taux directeurs.
Le degré d’incertitude, c’est peu de le dire, reste considérable.

Date de rédaction : 18 Novembre 2025

Véronique Riches-Flores - économiste

À propos de Véronique Riches-Florès, auteur de cet article

Économiste, diplômée de l’Université de Paris I, V. Riches-Florès dirige la société de recherche indépendante RICHESFLORES RESEARCH depuis 2012, après une expérience professionnelle dans le milieu académique Observatoire français des conjonctures économiques , et dans la banque d’Investissement, (Société Générale Corporate & Investment Banking). Spécialiste de l’économie mondiale et des marchés de capitaux, elle réalise des diagnostics et prévisions s’appuyant sur une double approche à la fois conjoncturelle et structurelle.