Actualités Le Conservateur
Un élan vert
Publié le 20 juillet 2020
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Si la pandémie continue de progresser dans d’autres régions du monde, elle semble désormais sous contrôle en Europe. La réouverture des activités par paliers successifs semble porter ses fruits.
Après la libéralisation de la circulation à l’intérieur de l’Union, les frontières extérieures s’ouvrent également progressivement depuis le 1er juillet, laissant néanmoins d’importantes zones de restriction à l’encontre de provenances telles que les États-Unis ou la Chine.
Le rebond du tourisme estival devra donc essentiellement être porté par les Européens eux-mêmes.
Une reprise erratique et modeste
Sur le plan économique, les indicateurs d’activité confirment qu’une fois regagnée notre liberté de mouvement, nous consommons et nous produisons à nouveau, le creux de l’activité se situant surtout au mois d’avril pour la plupart des régions dans le monde, comme en témoigne le graphique ci-dessous.
PMI COMPOSITES. CONFIANCE DES ENTREPRISES :
- Un indice supérieur à 50 signale une expansion des activités économiques.
- Inversement, un indice inférieur à 50 signale une contraction de l’activité.

L’ampleur du rebond depuis, s’avère néanmoins disparate, et n’empêchera pas une récession de grande ampleur sur l’année 2020.
- Par conséquent, le Fonds Monétaire International comme l’OCDE ont révisé à la baisse leurs prévisions pour l’année en cours dans leurs plus récentes livraisons.
- Pour le Fonds Monétaire, l’impact de la pandémie et des mesures de confinement a été plus marqué que prévu sur l’activité globale en début d’année, tandis que la reprise s’annonce encore erratique et assez modeste, compte-tenu, notamment, de la persistance de foyers d’infection dans le monde.
La sévérité de cette récession tient à la combinaison de plusieurs facteurs que nous avons déjà évoqués :
- la quasi-simultanéité de l’arrêt de l’activité dans le monde (plus de 200 pays et territoires touchés) ;
- le choc concomitant d’offre et de demande ;
- l’interruption puis la reprise encore très partielle des mouvements de personnes et de marchandises.
La mise sous cloche forcée des économies a conduit à des politiques de soutien et de renflouement orchestrées autour :
- d’un accroissement spectaculaire des dépenses et des garanties publiques ;
- et d’un soutien non moins exceptionnel des banques centrales dans le financement des dettes et le maintien de la liquidité et de la solvabilité des systèmes financiers.
Alors qu’il s’agit de passer de l’urgence à la relance, quels seront les risques de dérive qu’induisent ces politiques ? Aussi, peut-on espérer de prendre un nouvel élan vers une croissance compatible avec les défis climatiques ?

Le retour du protectionnisme, une menace pour la reprise économique ?
L’OMC(1) estime que les échanges internationaux pourraient baisser entre 13 % et 32 % cette année, dépassant même le niveau de 2008-2009. Au contraire, même : lors de la précédente crise, le rebond rapide du commerce mondial avait apporté une contribution déterminante à la reprise. Cela risque de ne pas se passer de la même manière cette fois, puisque la crise de la Covid-19 n’explique pas à elle seule ces tentatives de repli sur soi.
Le ralentissement du commerce mondial était en effet déjà perceptible depuis le déclenchement de la « guerre commerciale » entre les États-Unis et la Chine en 2018.
Dans ce cadre, le recours à des mesures de restrictions d’importations – notamment par le biais de tarifs douaniers – a nettement augmenté, comme le démontre le rapport 2019 de la Commission Européenne. Pour le Commissaire en charge de ces questions, le protectionnisme serait même en train de « s’enkyster » dans les relations internationales. Sans surprise, la Chine reste le pays le plus fermé, tandis que les États-Unis se montrent de plus en plus intransigeants. Très récemment, l’administration Trump a décidé de se retirer des négociations internationales sur la taxation des GAFA, menaçant de fait l’Union Européenne de nouvelles sanctions commerciales. L’Union Européenne reste le tenant des principes de multilatéralisme et de libre-échange. Cela doit s’entendre dans une perspective de réciprocité. Ce qui veut dire concrètement qu’elle ne s’interdit pas de se protéger également. La pandémie lui en a donné l’occasion.
- Dès le début de la crise, la Commission Européenne a pris des mesures visant à renforcer la protection des entreprises européennes fragilisées qui pourraient tomber sous l’emprise d’investisseurs « vautours ».
- De même, les règles concernant les aides publiques aux entreprises ont été assouplies ainsi que les règles d’entente entre producteurs, afin de faciliter les coopérations industrielles sans nécessairement tomber sous le coup de sanctions pour abus.
Échanges internationaux : entre -13 % et -32 % en 2020.
Source : OMC
(1) OMC, Organisation Mondiale du Commerce.
Ces dispositions ont bien entendu un caractère transitoire, mais n’ouvrent pas moins la voie à des tentations de repli sur soi.
« Level playing field » vs. «made in my country »
Au moment où les frontières intérieures de l’Union s’ouvrent à nouveau, la multiplication des aides publiques au niveau national et sans coordination pousse à exiger des contreparties de la part des bénéficiaires.
- Cela peut aller de l’exigence de localisation des activités – au nom de la souveraineté de l’approvisionnement par exemple – aux conditions d’exploitation et d’emploi.
- De même, voit-on ici et là fleurir des mesures de protection et de restriction d’activité qui peuvent renforcer des monopoles.
Or, le protectionnisme, comme la dévaluation, raréfie l’offre, augmentent les prix et fait perdre des emplois.
Il est sain d’exiger de nos partenaires de se conformer à des règles du jeu équitable, ce qu’on désigne par « level playing field ». Cependant, le « made in my country (2)» n’a de sens et ne sera pérenne que s’il résulte d’une plus grande efficacité concurrentielle, et non de l’élévation de barrières douanières derrière lesquelles s’abriteront des positions artificiellement dominantes, qui sclérosent les structures et finissent par être remises en cause.
L’ouverture des marchés, la libre circulation des biens et des personnes, un environnement concurrentiel aux règles du jeu équitables sont la meilleure garantie de la reprise.
(2) « Produit dans mon pays ».
MONDE : PRODUCTION TOTALE, EXPORTATIONS DE CONTAINERS


La confiance des épargnants sera-t-elle suffisante pour relancer l’activité ?
Activité en France sur les deux dernières semaines de mai : + 36 % par rapport à avril.
Source INSEE.
En France, le rebond de l’activité déjà perceptible au cours des deux dernières semaines de mai s’est poursuivi en juin. Comme le montre le graphique ci-dessous, il est particulièrement marqué dans le commerce de détail et les ventes de voitures neuves.
FRANCE : COMMERCE DE DÉTAIL


Certains analystes parient même sur un retour à un niveau de consommation d’avant-confinement dès juillet. Néanmoins, ces tendances, même si meilleures qu’attendu, concernent moins certains secteurs : comme le tourisme et la restauration, le transport aérien et ferroviaire, qui subissent encore de nettes restrictions d’activité.
Est-ce suffisant pour que les ménages retrouvent totalement le moral ? La question de confiance est désormais posée.
Grâce aux mesures de préservation des salaires, prises dès le début du confinement, et du fait de la fermeture de nombreux commerces et des lieux de loisirs, les ménages ont globalement limité leurs pertes de revenus et accumulé une épargne considérable.
- 20 % du revenu disponible des ménages est épargné soit plus de 5 points de plus qu’en fin 2019
- Cela représente 80 milliards d’euros soit 3,3 % du PIB
Cette manne servira-t-elle qu’à relancer l’activité ? Les ménages restent circonspects.
A court, moyen et long terme, ils ont aujourd’hui des raisons légitimes de continuer d’épargner :
- Dans l’immédiat, et comme le montre le graphique ci-après, la perspective de voir le chômage augmenter favorise l’épargne de précaution.
FRANCE : INDICE DE CONFIANCE DES MÉNAGES (COMPOSANTES)


- Au-delà, les ménages s’inquiètent du risque d’un « impôt Covid » sous quelque forme que ce soit. Le Président de la République en a écarté l’option. Pourtant, le poids croissant de la dette et les besoins de financement qu’elle induit font craindre une telle option. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 44,1 % en 2019, la France reste dans le peloton de tête de l’OCDE. La crainte d’un relèvement des contributions conduit les ménages à épargner afin de pouvoir y faire face ultérieurement.
- A plus longue échéance, les ménages restent préoccupés par la préservation de leurs revenus à la retraite. De plus, ils sont de plus en plus nombreux à se préoccuper de leurs besoins en matière de dépendance.
Ces trois paramètres nous incitent donc à penser que l’intégralité des sommes épargnées durant le confinement ne sera probablement pas réinjectée dans l’économie.
La crise de la covid-19 a-t-elle permis un nouvel élan vert en france et en europe ?
La crise de la Covid-19 a permis de repousser de trois semaines le « jour de dépassement de la terre ».
Même si les experts du climat soulignent à juste titre qu’un tel résultat n’est ni durable sur un plan écologique ni tenable sur un plan économique, ce « sursis » nous fait un peu plus toucher du doigt la nécessité d’agir pour le climat et de combiner – et non opposer – croissance et préservation de l’environnement et lutte contre le réchauffement climatique.
A la suite des gouvernements et de la Commission européenne, nombre d’organisations publiques et privées s’engagent autour de l’objectif de neutralité carbone de 2050. Sur le plan des investissements, les fonds thématiques se multiplient qui mettent en avant ces objectifs dans leur sélection de valeurs.
Mais comment s’y retrouver vraiment ? Au niveau international, des fonds d’investissement privés et publics se sont regroupés sous l’égide de l’ONU sous le nom de « net zero asset owner alliance », pesant près de 5 000 milliards de dollars. Leur ambition affichée est d’influencer et d’orienter l’investissement privé vers la décarbonisation.
De son côté, la Commission Européenne a mis en place et fait adopter une « liste verte » ou « taxonomie » commune à tous les pays membres de l’Union. Cette nomenclature des activités économiques durables permettra ainsi « de créer un langage commun que les investisseurs pourront utiliser partout lorsqu’ils investissent dans des projets et des activités économiques qui ont un impact positif important sur le climat et l’environnement ».
Atteindre les objectifs de la COP21 suppose ainsi d’embarquer et de mobiliser fonds publics et privés. Ces initiatives répondent également au souci croissant des épargnants qui veulent autant donner du sens à leurs investissements qu’en comprendre et en maîtriser l’orientation.