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L’émergence de nouveaux outils de mesure : du besoin aux risques des statistiques en temps réel

Publié le 22 octobre 2020

Auteur

Valérie Plagnol

Économiste, ancienne membre du Haut Conseil des Finances Publiques

Avec l’automne, est arrivée une deuxième vague d’infections qui touche particulièrement l’Europe. Du fait de l’augmentation du nombre de tests, la reprise des activités et la mesure de la gravité du phénomène restent difficile à apprécier et l’on sent une certaine lassitude dans les opinions.

La pandémie a été l’occasion de recourir à des outils de mesure en temps réel de l’activité. Réconcilier les modèles statistiques traditionnels avec le big data reste un défi encore complexe.

Sur le plan économique, les réunions d’automne du FMI et de la Banque Mondiale sont l’occasion de la publication de leurs prévisions semestrielles. Celles-ci témoignent du risque languissant sur l’activité économique, alors que l’encours des dettes publiques augmente globalement.

A la veille des élections présidentielles américaines, nous prenons le temps de faire le point sur l’état de l’économie du pays.

Cette crise a modifié la manière dont nos instituts utilisent et exploitent les données à leur disposition afin d’analyser la conjoncture économique. Face à la soudaineté et à l’ampleur de la propagation de la pandémie, le besoin de capter et de mesurer non seulement sa progression, mais aussi l’impact sur l’activité au plus près, s’est fait sentir avec encore plus d’acuité. Nos instituts de statistiques ont alors commencé à incorporer de nouvelles données dans leur arsenal de mesures de la conjoncture. Mais ces indicateurs restent imparfaits et leur valeur prédictive encore bien médiocre.

Parmi les données dites à haute fréquence, l’INSEE a par exemple eu recours aux données fournies par Google Mobility afin de mettre rapidement en évidence l’impact du confinement sur l’activité des personnes. Comme le montre le graphique ci-dessous, entre le 17 mars et le 13 mai dernier, la fréquentation des lieux publics, l’usage des transports et même les passages dans les supermarchés se sont effondrés, tandis qu’on pouvait constater une augmentation concomitante de la présence à la maison. De même, dès la fin du déconfinement, l’explosion de la fréquentation des parcs et espaces verts a montré l’ampleur du « besoin d’air frais » ressenti par la population.

Les données en temps réel sont donc utiles pour suivre l’évolution des comportements, et pour estimer l’impact de telles ou telles mesures.

Recoupées avec d’autres données issues notamment des paiements, on a pu établir que la baisse de la fréquentation des commerces restés ouverts (supermarchés, pharmacies) s’était accompagnée d’une hausse de prix du panier moyen d’achats. C’est également à partir de ces données, recoupées avec d’autres relevés statistiques traditionnels – que les instituts cherchent à mesurer l’ampleur des pertes ou d’accroissement d’activité, et leurs conséquences économiques globales. Cependant, l’extrapolation des données reste délicate.

L’exploitation seule de ces données trouve encore de nombreuses limites. Comme le signalent d’ailleurs leurs producteurs eux-mêmes, elles sont entachées de nombreux biais, qu’il est difficile de « lisser ».

[1] « Broken Data Systems Stymies Hospitals, the covid Storm », Melanie Evans Berzon, the WSJ 10/1/2020