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La « maison hantée » de la Chine

Publié le 08 novembre 2021

Auteur

Valérie Plagnol

Économiste, ancienne membre du Haut Conseil des Finances Publiques

Les indicateurs d’activité d’octobre montrent que l’activité manufacturière ralentit en Chine (voir ci-dessous).

Aussi ne peut-on totalement écarter le risque de voir certains prêteurs étrangers pris dans la tourmente.

G3 indices PMI manufacturiers

La baisse des importations d’une part (alors que la Chine annonce remettre en service ses productions de charbon), risque de pénuries et craintes de voir les grands consommateurs accélérer le recours à des énergies de substitution, devraient pousser les pays producteurs de pétrole et de gaz à contenir les hausses récentes en proposant d’accroître leurs productions.

La chute de la « maison Evergrande » semble désormais inéluctable. Bien qu’ayant réussi à honorer certaines de ses échéances et de vendre des actifs, son endettement total reste insurmontable (plus de 300 milliards de dollars).

Cette faillite annoncée – mais pas tout à fait certaine – pèse sur l’ensemble du système du crédit et pourrait entraîner d’autres faillites de promoteurs immobiliers, mais également la mise en grande difficulté d’autorités locales fortement dépendantes depuis des années de la promotion immobilière au travers de la vente de terrains à bâtir, dont ils tirent le principal de leurs ressources financières.

On a vu également la détresse des ménages qui ont confié leurs économies au grand promoteur sans voir leur logement livré ni être remboursés. Difficile d’estimer l’ampleur des répercussions économiques de l’effondrement de cette pyramide ; certains analystes n’hésitant pas à évoquer un « moment Lehman » de triste mémoire. Il est clair que la situation actuelle résulte de la volonté même des autorités chinoises de réduire la dépendance de l’économie au seul secteur de la construction et d’organiser le dégonflement de la bulle qui en résulte. Cependant, provoqué ou non, un tel processus de contraction du crédit induit à coup sûr un éclatement aux conséquences économiques beaucoup plus larges.

Pour beaucoup néanmoins, si le gouvernement chinois est effectivement bien décidé à mettre un terme à la spéculation financière et immobilière – au risque de voir quelques banques et autorités régionales en faillite – il ne paraît guère imaginable qu’il laisse le socle même de son système financier (les plus grandes institutions) en déroute. Aussi sont-ils convaincus qu’il finira par intervenir pour sauvegarder l’économie. Le « too big to fail » est également une réalité chinoise.

Quoiqu’il en soit, la contraction du crédit, les à-coups de la production, pèsent sur le moral des ménages et sur l’activité totale. Les chiffres de croissance, déjà décevants au troisième trimestre, devraient continuer de s’afficher au-dessous des perspectives officielles. Plus encore, le ralentissement de la deuxième économie mondiale ne peut être sans conséquence pour le reste de la planète. Le risque pour la Chine est de voir les pays consommateurs, désireux de mieux maîtriser leurs chaînes de valeur loin des aléas économiques comme géostratégiques, accélérer les relocalisations industrielles hors de son territoire.

Chine, cours de l’action Evergrande (Hong Kong)
Source : Macrobond, V&P

Article achevé de rédiger le 30/10/2021


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