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La fièvre Bitcoin

Publié le 21 juin 2021

Auteur

Valérie Plagnol

Économiste, ancienne membre du Haut Conseil des Finances Publiques

L’euphorie des marchés s’est également manifestée au travers de l’envolée, puis du repli, des cours du Bitcoin (graphique ci-après), qui a vu également l’introduction en bourse de la société Coinbase – place de marché virtuelle.

La hausse spectaculaire de ce cryptoactif – et avec lui l’ensemble de cette classe d’actifs – interroge sur sa valeur et son usage.

Le protocole / actif Bitcoin instauré en 2009, porte la promesse d’un « or virtuel » qui, à l’instar du métal jaune – et de l’argent – se caractériserait par sa rareté et son caractère infalsifiable. Ainsi, seulement environ 21 millions d’unités devraient être « minées », suivant un processus alimenté par des calculs informatiques – dont la puissance nécessaire (et donc le coût « d’extraction ») va croissant, tandis que son rendement, lui, décroît.

Le Bitcoin serait-il la plus grande escroquerie du siècle ou présagera-t-il l’avènement d’un nouvel ordre monétaire mondial ?


A l’heure où se vendent des œuvres d’art virtuelles on peut légitimement s’interroger. Pour ses (mystérieux) créateurs, le Bitcoin, pendant de l’or du monde matériel, s’impose dans le monde virtuel et échapperait à toute manipulation monétaire. En cela le Bitcoin est le produit de la crise de 2008 et entend s’inscrire en réaction aux politiques publiques et monétaires qui compromettraient la valeur des devises de référence, à commencer par le dollar.

Cela en fait-il pour autant une monnaie à part entière ? L’intérêt récent d’investisseurs institutionnels semble lui conférer le statut d’actif de réserve. Mais leurs convictions sont pour le moins mal ancrées et semblent seulement refléter l’engouement de certains de leurs clients. Il est clair que les pays dont la monnaie suscite la plus grande méfiance, connaissent une « ruée » des mineurs virtuels de Bitcoin comme de ses détenteurs. Ainsi la Chine abriterait près de la moitié de la puissance de production actuelle. Il en va de même de l’Argentine, ou encore du Nigeria, pays vers lesquels se tournent des producteurs à la recherche de sources d’énergie moins coûteuses. Car le Bitcoin pollue : la puissance informatique nécessaire à sa production entraîne de colossales consommations d’énergie électrique, dont la production est loin d’être elle-même « propre ». Ainsi le gouvernement chinois, engagé dans une course à la décarbonation de son économie, cherche à en limiter l’usage, et a lancé une grande campagne d’interdictions de production et d’échanges du Bitcoin.

Le Bitcoin reste l’apanage du « darkweb » siège de tous les trafics. Rappelons enfin qu’on ne saurait payer ses impôts en Bitcoin ! Phénomène générationnel qui séduit les plus technophiles, comme les spéculateurs à la recherche d’alternatives risquées, le Bitcoin ne saurait être confondu avec les monnaies virtuelles que de nombreuses Banques Centrales mettent au point. De plus son extraordinaire volatilité, à vous donner le haut-le-cœur, son absence de rendement, sont autant de raisons de se montrer particulièrement circonspect. Soumis à des effets d’annonce aussi soudains qu’incongrus, effet de mode et objet de spéculation, le Bitcoin et l’ensemble des cryptoactifs qui se sont multipliés sont observés avec beaucoup de méfiance par les régulateurs comme par les investisseurs. Ames sensibles… S’abstenir…


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