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La BCE emboîte le pas à la FED

Publié le 17 février 2022

Auteur

Véronique Riches-Florès

Économiste

Les mauvaises nouvelles sur l’inflation s’éternisent et les banques centrales s’impatientent. Après la volte-face du président de la FED en janvier, Mme Lagarde a pris de court les observateurs lors de sa dernière conférence de presse, se montrant nettement plus réservée par la tournure du contexte inflationniste que ce n’était le cas jusqu’alors. L’accélération de l’inflation annuelle à 5,1 % en zone euro en janvier semble avoir précipité ce changement de cap, malgré un léger repli de la mesure hors alimentation, énergie, alcools et tabac, plus représentative des tendances sous-jacentes des prix.

Inflation annuelle en zone euro, en %
Inflation annuelle en zone euro, en pourcentage.

Dans un contexte de resserrement généralisé des politiques monétaires, Etats-Unis et Royaume-Uni en tête, la présidente de la BCE n’a pas eu besoin de se montrer particulièrement sévère pour que son message soit pleinement reçu par les marchés. L’élimination de l’option d’un possible assouplissement de sa politique dans le communiqué officiel, la confiance affichée par Mme Lagarde sur les perspectives économiques et l’affirmation selon laquelle l’inflation restera durablement plus élevée que prévu, ont suffi à créer les conditions d’un changement radical des anticipations qu’illustre l’envolée des taux futurs. En une semaine à peine, le rendement du Bund allemand à 2 ans s’est renchéri de près de quarante points de base, pour retrouver peu ou prou ses niveaux de 2015, au tout début de la politique quantitative de la BCE.

Taux des emprunts d’État à 2 ans allemands, en %
Taux des emprunts d’État à 2 ans allemands, en pourcentage

Rendez-vous en mars

La BCE communiquera plus en détail sur ses intentions à l’issue de sa réunion du mois de mars qui suivra également la mise à jour de son scénario de croissance et d’inflation. Elle devrait valider l’annonce d’une possible hausse de ses taux directeurs cette année, en l’occurrence, du taux des facilités de dépôts qui avait été porté à -0,5 % en septembre 2019.

Le degré de précision de ses annonces reste, toutefois, très incertain. La BCE pourrait se contenter d’évoquer une hausse probable de ses taux directeurs, sans plus de détails, ou, se montrer plus déterminée et laisser penser qu’elle pourrait agir plus rapidement, éventuellement dès le milieu d’année et à plusieurs reprises, comme l’anticipent les marchés.

À ce stade, Mme Lagarde privilégie une approche très graduelle de l’ajustement à venir. L’arrivée à terme de son programme d’urgence pandémie (PEPP) en mars risque, en effet, de créer des tensions sur les marchés de la dette souveraine que la BCE surveille comme le lait sur le feu et qu’elle cherchera à prévenir. Le regain de tensions sur les taux des pays du sud de l’Europe après sa prestation de février pèsera sans doute dans la balance, en faveur de la prudence.

Écarts de taux souverains avec l’Allemagne
Écarts de taux souverains avec l’Allemagne

Dans un sens ou dans l’autre, les marchés seront très sensibles à ces annonces qui constitueront, avec la première hausse des taux de la FED attendue le 13 mars, le point d’orgue des anticipations des semaines à venir.


Véronique Riches-Flores - économiste

À propos de Véronique Riches-Flores, auteur de cet article

Économiste, diplômée de l’Université de Paris I, V. Riches-Flores dirige la société de recherche indépendante RICHESFLORES RESEARCH depuis 2012, après une expérience professionnelle dans le milieu académique -Observatoire Français des Conjonctures Économiques-, et dans la Banque d’Investissement, (Société Générale Corporate & Investment Banking). Spécialiste de l’économie mondiale et des marchés de capitaux, elle réalise des diagnostics et prévisions s’appuyant sur une double approche à la fois conjoncturelle et structurelle.