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États-Unis : les plans d’urgence et de relance mis à l’épreuve

Publié le 05 février 2021

Auteur

Valérie Plagnol

Économiste, ancienne membre du Haut Conseil des Finances Publiques

Affirmant sa volonté d’apaisement et de réconciliation, le Président Joe Biden s’est installé à la Maison Blanche entouré d’une équipe entièrement constituée et alignée sur une programme clair et cohérent. Janet Yellen, ancienne présidente de la Réserve Fédérale, a déjà été confirmée par le Sénat. Cependant, Joe Biden pourrait bien voir la mise en œuvre de son plan prendre plus de temps que prévu. On peut se demander également jusqu’où les marchés le suivront. Dès les premiers jours, le ton a changé : décrets présidentiels ramenant les Etats-Unis dans l’accord de Paris et à l’OMS, arrêt de la construction de l’oléoduc Keystone, obligation du port du masque dans les administrations fédérales, renforcement du « Buy American Act ».

Face au congrès, la bataille s’annonce plus rude

Sa courte majorité sénatoriale ne lui permet pas de passer tous les obstacles qui se dressent sur sa route. Si les confirmations des Secrétaires d’Etat ne devraient pas poser trop de problème, mais demander du temps, le Sénat renâcle devant la procédure d’impeachment entamée contre l’ancien Président Trump, comme sur le plan de soutien économique de 1 900 milliards de dollars qui lui est présenté.

Dans les deux cas, il aura besoin d’une majorité qualifiée dont ses partisans ne disposent pas. Son plan d’urgence est considéré comme trop généreux et mal ciblé, après celui de 900 milliards adopté en toute fin de la mandature précédente.

Les talents de négociateur de l’ancien Sénateur seront donc rapidement mis à l’épreuve. Les débats pourraient durer jusqu’au printemps, et les sommes finalement votées s’avérer bien plus modestes.

Mais au jeu des concessions réciproques, l’administration voudra probablement ménager les législateurs, pour faire passer d’autres projets : un grand plan de relance des infrastructures et un relèvement de l’impôt sur les sociétés à 28 % (contre les 21 % acquis en 2017).

Aussi, le déficit public américain devrait encore avoisiner les 3 000 milliards de dollars cette année et la dette continuer de progresser.

Sur le plan international, les intentions du pays ont été clairement énoncées

D’un côté, le retour dans les instances internationales, la volonté de coopération au sein de l’OCDE, sur les questions fiscales notamment, ont été clairement réaffirmés. De l’autre, l’Amérique entend bien fédérer autour d’elle et porter les griefs contre la Chine, tant sur un plan économique que géopolitique.

En accord avec son agenda domestique, Janet Yellen a ainsi affirmé sa volonté d’arrêter la course au moins disant fiscal et se montre ouverte à la négociation sur la question de la « fiscalité des GAFA ».

Cependant, le chemin de la « réconciliation » s’annonce encore ardu, notamment au vu de l’affirmation de la préférence nationale, qui bouscule ses voisins immédiats. La Chine restera dans la ligne de mire de l’Amérique, cela ne fait aucun doute. Il est encore difficile d’apprécier jusqu’où pourra aller le processus de désintégration et la réorganisation des chaînes de valeur entre les deux pays, et dans quelles mesures ils n’entraîneront pas des conséquences plus sérieuses au plan géostratégique (soutien à Taïwan, renforcement de l’Alliance Pacifique etc.).

Les marchés ont bien accueilli l’élection et tablent sur une coopération sans nuages entre la Réserve Fédérale et la nouvelle administration. La perspective fiscale, les contraintes plus fortes sur le secteur de l’énergie et les pressions grandissantes – venues de la justice également – sur les grands de la Tech, pourraient finir par affecter le moral des investisseurs.