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Déconfinements et euphories printanières

Publié le 21 juin 2021

Auteur

Valérie Plagnol

Économiste, ancienne membre du Haut Conseil des Finances Publiques

« TINA[1] », cet acronyme qui a la faveur des marchés, ne désigne ni un ouragan, ni une célèbre chanteuse, mais le sentiment général qu’il n’y pas d’autre alternative que de rester investi sur les marchés actions.

Avec la reprise de l’activité, les valeurs délaissées l’an passé ont connu un net rattrapage.


Les différents indicateurs de confiance des directeurs d’achats (ci-dessous) montrent la forte accélération de la reprise d’activité depuis le début de l’année. Cette progression est particulièrement sensible aux Etats-Unis, sous le double effet de l’accélération de la campagne de vaccination et du plan Biden.

L’Europe profite également de la reprise de la demande globale qui soutient en premier lieu le secteur manufacturier, tandis que la levée des confinements du printemps va permettre de raviver le secteur des services.

En revanche, le Japon qui a dû reconfiner partiellement et qui souffre d’un retard important dans son programme de vaccination, connaît un repli de l’activité.

Depuis l’an dernier, les marchés ont été portés par l’arrivée de nouveaux investisseurs individuels. Un retour en force que l’on n’avait plus revu depuis le début des années 2000. Selon l’enquête de l’AMF : « près de 1,4 million de particuliers ont passé un ordre d’achat ou de vente d’actions en 2020, dont plus de 400 000 n’avaient jamais passé d’ordre auparavant ». 

En 2021, les bourses ont également été animées par des records de nouvelles introductions boursières, une tendance qui fait plus que compenser les contreperformances de 2020, figée par la pandémie. L’agence financière Bloomberg rapporte qu’au cours du premier trimestre, plus de 850 introductions (ou IPO[3]) de plus de 1 millions de dollars ont été réalisées dans le monde. La France, où le rythme annuel d’introductions avoisinait la dizaine de nouvelles sociétés ces dernières années – et seulement 6 l’an passé – devrait dépasser les records de 2014/2015 cette année, soit plus de 20 nouvelles cotations. L’émergence de SPAC[4] a beaucoup contribué à cette envolée, notamment aux Etats-Unis. Un phénomène qui inquiète désormais les superviseurs et les régulateurs des marchés, qui craignent des effets de mode et des bulles spéculatives sans rapport avec les perspectives de rendement. Ces véhicules d’investissement, coquilles vide cotées, simplifient les procédures d’introduction en bourse des sociétés avec lesquels il s’allient. Cependant, qui dit moindre formalités, dit également manque de données d’appréciation de la solidité de l’entreprise, et risque de survalorisation.

Le rattrapage après une année calamiteuse n’explique pas  à lui seul cet engouement. L’émergence de nouvelles entreprises qui quittent leur statut de start ups, les besoins de financement d’entreprises en mal d’investissement face à l’augmentation de la demande et en vue de financer leur transformation, soutiennent cette tendance.


[1] « TINA » : There Is No Alternative
[2] Les progressions exprimées ici depuis le début de l’année sont des données arrondies, mesurées en devise locale pour chaque marché.  Elles ne sauraient servir de référence exacte (relevé effectué le31 mai 2021, source Bloomberg).
[3] IPO, Initial Public Offering
[4] SPAC : “Special Purpose Acquisition Company”, véhicule d’investissement et société sans activité opérationnelle, constituée en vue d’une acquisition ou d’une fusion avec une autre entreprise qui pourra être introduite en bourse à travers le véhicule SPAC, préexistant. 

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