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Chine : la grande gagnante de la crise Covid-19 ?
Publié le 05 février 2021
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Avec une croissance officielle du PIB de 2,3 % en 2020 et une prévision de près 8 % pour 2021[2], la Chine serait la seule économie du G20 à ressortir quasiment indemne de la crise sanitaire (c’est-à-dire en ayant retrouvé dès cette année le niveau de croissance d’avant-crise). En 2020, elle a contribué aux 2/3 de la croissance mondiale.
« Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s’éveillera le monde entier tremblera »
attribué à Napoléon (repris par Alain Peyrefitte dans son essai de 1973[1])
- Après une période de confinement particulièrement sévère au printemps, le pays a redémarré avant ses principaux partenaires commerciaux et a maintenu un rythme d’activité soutenu, tiré principalement par les investissements (immobilier, infrastructures) et les exportations.
- Sur le plan sanitaire, la Chine reste particulièrement vigilante. Outre le déploiement d’une politique de surveillance sévère, les autorités chinoises ont maintenu un strict contrôle des frontières extérieures.
Comme le montre le graphique ci-dessous, si les vols intérieurs ont repris pour les passagers et le fret, le trafic passagers international s’est effondré depuis le printemps dernier.

La reprise des exportations a particulièrement profité à la Chine du fait du regain de la demande de biens manufacturiers – alors que les services marquent le pas.
- Le rebond de l’activité, en Asie comme aux Etats-Unis, s’est traduit cet automne par une augmentation du trafic maritime marchand et de pénuries de containers pour les transports.
- De même, l’augmentation de la demande mondiale de microprocesseurs, dans un contexte de digitalisation accélérée, et de croissance de la demande en provenance du secteur automobile, ont provoqué des ruptures d’approvisionnement et des augmentations de prix. Cette dynamique s’est traduite par une formidable accélération de la production des terres rares chinoises, que le gouvernement entend bien contrôler.

Ces dernières semaines cependant, la Chine a dû affronter la résurgence de la pandémie, contraignant la fermeture de villes et même d’une province, tandis que la campagne de vaccinations s’accélère avant les fêtes du nouvel an chinois du 12 au 26 février prochain, qui sont l’occasion de centaines de millions de déplacements à l’intérieur du pays.
Traditionnellement, la période qui précède ces festivités est marquée par un regain d’activité intérieure et extérieure avant la pause du nouvel an.
Les indicateurs de confiance et d’activité (di-dessous) signalent toujours l’expansion de l’économie aussi bien dans les services que dans le secteur manufacturier, lui-même fortement dynamisé par la demande extérieure.

La spectaculaire reprise des services contraste avec la morosité encore prégnante dans de nombreux pays. Bien qu’il soit difficile d’évaluer l’impact réel de la pandémie sur l’ensemble du territoire, il est clair que l’arrêt de l’activité a pesé sur de nombreux citoyens touchés par le chômage.
La confiance des ménages reste en deçà des niveaux d’avant crise. Le taux de chômage des grands centres urbains est quasiment revenu à son niveau de 2019, mais il est difficile d’apprécier la situation dans les provinces. On note également un décalage important entre les provinces du Sud en plein essor, et celles du Nord, moins dynamiques.

[1] Alain Peyrefitte « Quand la Chine s’éveillera… » ed Fayard
[2] Selon l’OCDE et le FMI

Une ambition renouvelée
La Chine s’est fixé pour objectif le doublement de son PIB à l’horizon 2035, ce qui équivaut à une croissance moyenne annuelle de 4,7 %. Le projet ainsi défini s’articule autour de l’image de « la circulation duale » définie par le Président Xi Jinping.
Le concept, difficile à définir, recoupe la volonté d’orienter plus nettement la croissance du pays vers le développement domestique, en faisant une plus grande place à l’innovation et l’autonomie technologique, tout en maintenant un commerce extérieur dynamique.
Ces objectifs sont la marque d’une triple préoccupation :
- conduire le pays au niveau des économies riches (c’est-à-dire par l’élévation du PIB par habitant au niveau de l’Europe ou de l’Amérique) et sortir ainsi de la catégorie des économies dites à revenu moyen.
- assurer ensuite sa prédominance – et donc son indépendance – dans les secteurs qu’elle considère comme souverains et stratégiques.
- maintenir enfin une présence importante –de haute spécialisation – dans le commerce mondial.
Ainsi, pourrait-on considérer que la Chine s’inscrit dans le sillage des modèles de développement allemand et japonais.
Une politique d’influence ambivalente, une méfiance accrue
La Chine semble osciller :
- entre une politique d’influence affirmant sa volonté d’intégration dans le système mondial multilatéral et de contribution au développement global (tel son engagement de réduction des émissions à effet de serre d’ici 2050),
- et une politique d’affirmation territoriale et de constitution d’une « zone de souveraineté » exclusive autour de la mer de Chine.
Ainsi, voit-on alterner les phases de coopération (signature fin 2020 de l’accord RCEP[1] qui réunit les pays de l’ASEAN, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande et d’un protocole sur les investissements avec l’Union Européenne) et les phases de tensions (sanctions commerciales unilatérales à l’encontre de l’Australie, loi de sécurité imposée à Hong Kong, menaces sur Taïwan, conflits territoriaux en mer de Chine, ou encore à la frontière avec l’Inde).

Cette politique, que l’on pourrait qualifier de « la main tendue » – réaffirmée par le Président Xi Jinping lors du sommet de Davos, n’en rencontre pas moins la défiance croissante – pour ne pas dire l’hostilité ouverte – d’une partie du monde, dont les Etats-Unis semblent bien décidés à devenir le fer de lance.
La Chine se voit reprocher l’opacité et la probable gestion tardive de la pandémie de la Covid-19, qui s’est propagée dans le monde entier, ses pratiques commerciales déloyales, les soupçons d’espionnage et les atteintes aux droits humains.
- De ce point de vue, les accords commerciaux conclus en Asie comme avec l’Europe (et non encore ratifiés) ont été largement critiqués comme faisant la part belle à la Chine (aucune allusion aux entreprises publiques, au travail forcé), pour des avancées jugées hypothétiques pour ses partenaires.
- Dans son intervention au sommet de Davos, le Président chinois a évoqué la menace d’une « nouvelle guerre froide » et les risques d’une partition du monde à travers d’une compétition technologique et commerciale exacerbée. Pris entre la volonté de sécuriser son développement et ses approvisionnements et le manque de concessions ou d’alignement effectif sur les normes multilatérales, la Chine se trouve face à des contradictions qui pourraient s’exacerber.
Le pivot économique du monde a basculé vers l’Asie. L’accord RCEP englobe une région qui représente 30 % de la population et du commerce mondial et 25 % de son PIB. Selon la Banque Mondiale, la Chine et l’Inde (qui n’a pas intégré le RCEP) sont les principaux moteurs de la croissance mondiale. La part de la Chine dans le PIB mondial en 2000 n’était que de 3,6 %, elle a bondi à 17,8 % en 2019.
Le CEBR (Center for Economics and Business Research, think-tank britannique) estime désormais qu’elle deviendra la 1ère puissance mondiale en 2028.
[1] RCEP : Partenariat Régional Economique Global